Négociations pour la fin de la lutte armée kurde en Turquie : le message d’Öcalan

Comme chaque année,  à l’occasion des festivités de Norouz le nouvel an du calendrier persan fêté par les Iraniens et les Kurdes, Abdullah Öcalan a délivré un message attendu. Le 21 mars, depuis sa prison d’Imralı, petite île turque située en mer de Marmara où il purge une peine à perpétuité, le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkêren Kurdistan, PKK) a donné les grandes lignes de sa nouvelle « stratégie politique et sociétale ».

A travers une lettre ouverte lue devant une foule de plus de 200 000 personnes à Diyarbakır, dans le sud-est de la Turquie, le fondateur du PKK a répété son appel à la fin de la rébellion armée kurde dans le pays. Annonçant une « nouvelle ère », Öcalan a prôné la tenue rapide d’un congrès, sans toutefois préciser de calendrier ni d’ordre du jour précis. Ceci souligne l’état actuel d’enlisement du processus de négociation, relancé pourtant en grande pompe le 28 février dernier par le gouvernement turc, avec la mise en place d’une nouvelle feuille de route.

Les négociations pour le processus de paix ont connu un premier échec en 2010 avant d’être relancées à l’automne 2012. Les discussions sont toutefois restées au point mort jusqu’en novembre 2014, lorsqu’Abdullah Öcalan annonce la possibilité d’un accord. Le leader du PKK a d’ailleurs répété que le PKK était prêt au désarmement à la fin du mois de février 2015. Mais malgré un cessez-le-feu unilatéral du côté kurde depuis deux ans, les pourparlers restent paralysés.

Le lancement d’une nouvelle feuille de route peut se comprendre lorsqu’on analyse le contexte politique turc. A l’approche des élections législatives du 7 juin prochain, le parti au pouvoir de la Justice et du Développement (Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP) rêverait en effet de pouvoir annoncer un appel clair au désarmement de la lutte armée kurde. A la tête du pays depuis 2002, l’AKP et son leader Recep Tayyip Erdoğan espèrent se maintenir avec une large majorité au Parlement, ce qui faciliterait la mise en place d’une révision de la constitution, permettant une présidentialisation du système politique turc. Les Kurdes, quant à eux, voient dans ces élections la possibilité d’inscrire dans la constitution des droits politiques ainsi qu’une éventuelle décentralisation du système administratif, étape essentielle vers l’établissement d’une autonomie pour les provinces kurdes

Ces négociations s’inscrivent également à l’échelle régionale : le message d’Öcalan félicitait ainsi les Kurdes de Syrie pour leur victoire à Kobané. En effet, la crise syrienne a accéléré le règlement de la question kurde en Turquie. L’implication du PKK de Turquie, du Parti de l’union démocratique syrien (Partiya Yekîtiya Demokrat, PYD) et des peshmergas kurdes d’Irak dans les combats, a contribué à médiatiser la cause kurde à l’international et a poussé le gouvernement turc à relancer une phase de pourparlers à partir de 2013. Dès lors, tout développement sur le théâtre syrien pourrait avoir des conséquences importantes pour les Kurdes de Turquie. En attendant les efforts se concentrent pour accorder des droits démocratiques aux 15 millions de Kurdes de Turquie et mettre fin à la guérilla contre le gouvernement turc, qui a fait près de 40 000 morts depuis 1984.

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